La guerre d’Indochine

 

 

 

Introduction

 

Je n’ai pas la prétention de réécrire ici l’histoire de l’Aéronautique navale durant la guerre d’Indochine. De nombreux auteurs de livres et notamment acteurs sur le terrain, s’en sont chargés bien avant moi.

Pour montrer ce que fut l’action de l’aviation de la Marine durant cette période, j’ai opté, afin de pouvoir parler d’elle, de l’inclure au milieu des combats qui se déroulaient au sol. J’ai donc réalisé sobrement cette présentation par périodes, et si d’anciens combattants étaient amenés par hasard à lire ma prose, j’espère qu’ils me pardonneront de ne pas avoir parlé de  "ceci ou de cela".

La Marine n’a pas été la seule arme à mettre en ligne ses aéronefs durant ce conflit. L’Armée de l’Air de son côté a participé activement à la guerre d’Indochine en compagnie de ses Junker, Toucan, Dakota, Spitfire ou autres Bearcat, mais nous laissons avec humilité à d’autres personnes et sur d’autres sites, le soin de parler d’elle.

Dans le même ordre d’idée, il n’est nullement dans mes intentions de raconter quel fut le rôle joué par les bâtiments de la Marine nationale lors de cette guerre durant laquelle bon nombre de nos unités furent impliquées (je pense notamment à certains Croiseurs, Frégates, Escorteurs, Avisos, Dragueurs de mines ou bâtiments auxiliaires). De même j’occulterai, car ce n’est pas sa place ici, l’histoire de ce que l’on a surnommé " la Marine kaki " et dans laquelle furent incorporés nos commandos, fusiliers et autres marins de toutes spécialités, tout d’abord sur des jonques et des chalands cuirassés et ensuite au sein des divisions navales d’assaut soit à terre soit le long des fleuves, des canaux ou des rachs à bord de LCM, LCA, LCI, LCVP ou autres engins d’assaut.

La contribution apportée par l’Aéronautique navale durant cette guerre, débuta par l’arrivée, en octobre 1945, des hydravions Catalina de la flottille 8FE, suivie deux mois après par la création de l’escadrille 8S sur l’hydrobase de Cat-Laï. Dès le mois de mars 1947, la flottille 3F transportée à bord du porte-avions DIXMUDE participa avec ses Dauntless à une brève campagne de guerre le long des côtes d’Annam et du Tonkin.  Le DIXMUDE effectua une seconde campagne entre octobre 1947 et avril 1948 cette fois ci avec les appareils de la flottille 4F.  Par la suite, le porte-avions ARROMANCHES prenant la relève du DIXMUDE jugé trop lent, entraîna dans la danse tout d’abord la 4F d’octobre 1948 à février 1949 et invita ensuite au cours de trois autres ballets débutant pour le premier en septembre 1951 et s’achevant pour le dernier en août 1954, les flottilles 3F, 9F, 11F, 12F et 14F.

Les porte-avions LA FAYETTE et BOIS BELLEAU prêtés par les Américains firent également partie de cette chorégraphie à partir de 1953. On peut penser que si les USA avaient accepté de nous livrer un troisième exemplaire de ces bâtiments ou avaient décidé de s’impliquer directement avec un ou plusieurs de leurs porte-avions, l’issue de la bataille de Dien Bien Phu aurait peut-être pris une toute autre tournure. Ce manque délibéré de volonté se paiera un peu plus tard lors de la guerre du Vietnam, guerre dans laquelle ils seront alors directement impliqués.

Pour ma part, si  j’ai des images aéronavales à retenir de ce conflit, ce seront celles de l’aviation embarquée ou basée à terre (Hellcat, Corsair, Helldiver ou Privateer), allant au sacrifice suprême et luttant jusqu’au dernier instant au dessus de la cuvette de Dien Bien Phu afin de secourir nos camarades de l’Armée de terre noyés de leur côté sous un déluge de feu envoyé par l’ennemi. Deux photographies sont placées en fin de ce chapitre et réservées à cet effet.

 

 

Les unités aéronavales en Indochine, indépendantes de l’aviation embarquée

 

La flottille 8FE – 8F – 28F

Partant d’Agadir en terre marocaine, le 4 octobre 1945, 4 Catalina de la 8FE se posent à partir du 27 de ce mois sur l’aérodrome civil de Saïgon-Tan Son Nhut en Indochine, après diverses escales en Algérie, Malte, Egypte, Indes, etc…

 

Ces quatre premiers appareils auxquels d’autres viennent s’ajouter par la suite, symbolisent la réimplantation  en terre indochinoise de l’Aéronautique navale. La flottille commandée tout d’abord par le LV Pierre VARROQUIER, devient 8F le 1er janvier 1946 puis 28F le 23 juin 1953. Elle  est placée ensuite  sous les ordres des :

- CC Marie YOYOTTE-HUSSON, de novembre 1946 à janvier 1948.

- LV Robert JOURDAIN, jusqu’en  octobre 1948.

- LV Louis CARLIER, en intérim jusqu’en décembre.

- CC Jean GAXOTTE, de décembre 1948 à juillet 1950.

- CC Hervé de FLEURIAU, jusqu’en janvier 1952.

- CC Paul AUDIBERT, de janvier1952 à septembre 1952.

- CC Pierre MICHEL en intérim jusqu’en octobre, suite au décès en service commandé du CC AUDIBERT.

- CC Gilbert GUYON, d’octobre 1952 à décembre 1953.

- LV Marcel LECLERCQ-AUBRETON, jusqu’en avril 1955.

- LV Alphonse HUMBERT, jusqu’en juillet 1956 (la flottille ayant quitté l’Indochine en mars).

 

Les Catalina sont remplacés par des avions Privateer en janvier 1951, et des Morane 500 destinés à l’observation sont également affectés à la flottille, de juin 1953 à août 1954.

 

L’escadrille 8S

Créée en décembre 1945 sur l’hydrobase de Cat-Laï et armée tout d’abord avec des hydravions de récupération (4 Aïchi japonais et un Loire 130) cette escadrille est placée sous les ordres du LV Jean GAXOTTE.

 

 

Durant la période indochinoise, les successeurs de GAXOTTE, sont :

- LV Henri LAURE, d’avril 1946 à mai 1947.

- LV Jean DURIVAL, jusqu’en août 1948.

- LV Robert SOUBIAC, d’août 1948 à août 1950.

- LV Aimé Le GLOANNEC, jusqu’en janvier 1952.

- LV Marc MONNIER, de janvier 1952 à avril 1953.

- LV Eugène BABOT, jusqu’en mai 1954.

- LV Jean-Paul TURC, de mai 1954 à mai 1955.

- LV Pierre FROGET, jusqu’en août 1956.

 

A partir d’août 1947, la 8S commence à abandonner ses divers hydravions de récupération, et se dote de Sea-Otter d’occasion achetés aux Britanniques et convoyés depuis l’Inde. Lors de la transformation de la flottille 8F sur Privateer, elle récupère également quelques Catalina de cette dernière.

Les Sea-otter et les Catalina sont retirés en février 1952 et remplacés par des Grumman-Goose. Des Morane 500 destinés à l’observation lui sont également attribués, ces derniers étant basés sur des terrains extérieurs à Cat-Laï et au gré des missions leur étant imparties.

 

     

 

L’escadrille 9S

Cette formation armée en hydravions Sea-Otter est créée le 1er octobre 1950 et dissoute le 1er avril 1952.

Son unique commandant est le LV Henri POUJOL de MOLLIENS.

 

Base mobile n° 1 - GAN Indochine - BAN Tan Son Nhut

La base mobile n° 1 (hommes et matériels, capables d’assurer le soutien nécessaire à des formations en vue d’opérations), qui se trouve à Agadir au Maroc, est affectée en Indochine et arrive à Saïgon à bord du Béarn le 26 octobre 1945 et du croiseur Tourville le 12 janvier 1946.

Cette BM.1 est affectée sur l’Aérodrome de Tan Son Nhut à Saïgon où avec la flottille 8F elle forme le GAN.I (groupement d’aéronautique navale d’Indochine) en compagnie de l’escadrille 8S qui, de son côté, est  stationnée à Cat-Laï.

Le GAN Indochine est dissout en fin d’année 1952 et la partie Marine de Tan Son Nhut est élevée au rang de BAN le 30 janvier 1953 jusqu’à sa dissolution en août 1956.

 

BAN Cat Laï

Hydrobase créée auparavant sur le Donnaï en 1931, elle a été transférée à l’armée de l’Air en 1933. Au lendemain de la seconde guerre mondiale elle  revient dans le giron de la Marine et sera ré ouverte en tant que BAN en décembre 1945 lors de la constitution de l’escadrille 8S. Elle abritera également la 9S entre 1950 et 1952. La base est dissoute en août 1956.

 

          

 

 

La situation politico-militaire durant ce conflit

 

Après le coup de force nippon du 9 mars 1945, les forces françaises seront alors emprisonnées et réduites au silence. Les Japonais favorisent la mise en place d’un gouvernement indépendant avec pour chef  l’empereur d’Annam, Bao Daï et le pays prend alors le nom de Vietnam.

Au même moment, d'anciens membres communistes qui avaient fondé en mai 1941 le parti du Vietminh (avec pour objectif, l’indépendance du pays), adoptent une stratégie d’attaques et de coups de main contre les Japonais, ce qui conduit les américains à épauler ce parti grâce à des livraisons d’armes.

Accusé de corruption et de collaboration avec les japonais, le gouvernement de Bao Daï doit démissionner le 7 août 1945. Le Vietminh jouant alors de sa qualité de résistant prend de plus en plus d’influence auprès de  la population  autochtone.

Après la capitulation du Japon, la plus grande confusion règne dans le pays et le Vietminh  en profite pour prendre possession de tous les services publics, multiplier les manifestations anti-françaises et  commettre de nombreux crimes.  Le 2 septembre, Ho Chi Minh proclame à Hanoï l’indépendance du Viet Nam ainsi que l’instauration d’une république démocratique.

Les décisions de la conférence des alliés à Potsdam en juillet 1945, qui avait prôné que l’Indochine du point de vue opérationnel serait partagée en deux zones au niveau du 16ème parallèle (celle du nord confiée aux Chinois et celle du sud aux Britanniques, ceci afin de désarmer les Japonais), se concrétisent en septembre : plus de 50 000 hommes des troupes chinoises s’installent au Tonkin et une division de Gurkhas indiens est mise en place à Saigon sous commandement britannique.

Toutefois les conférenciers de Potsdam ayant admis qu'aussitôt la reddition japonaise effectuée, les troupes françaises pourraient venir en Indochine remplacer les alliés, la France se prépare alors à un retour sur les lieux.

Dès le 12 septembre, l’occupation du pays est réalisée par l’arrivée des Britanniques et des Chinois, les Japonais font leur soumission et l’ordre est un tant soit peu rétabli. (Les derniers prisonniers japonais quittent l’Indochine en juillet 1946).

Le 3 octobre, le premier convoi de troupes françaises arrive au cap Saint Jacques sur deux petits paquebots britanniques (Queen Emma et Princess Beatrix) escortés par deux de nos bâtiments, le Cuirassé RICHELIEU et  le Contre-Torpilleur LE TRIOMPHANT, tous deux déjà dans les lieux et intégrés au sein d’une force maritime britannique placée sous les ordres de Lord Louis MOUNTBATTEN. Ces premières troupes françaises se composent de 1000 hommes du 5ème R.I.C*, accompagnés  du commando Ponchardier*.

*Le 5ème RIC et le commando Ponchardier  étaient déjà pré positionnés à Ceylan. Le commando mixte Marine-Armée Ponchardier, avait été créé en Grande Bretagne à Peterborough au sein des S.A.S.B (Sea Air Service Bataillon ) et placé sous les ordres du CC Ponchardier. Ce commando fut dissout en septembre 1946.

 

Ouvrons néanmoins ici une parenthèse intéressant l’Aéronautique navale : Une décision d’août 1945, affecte la 8ème flottille d’exploration sur le théâtre indochinois. Commandé par le LV VARROQUIER, un détachement de 4 Catalina arrive à Tan Son Nhut fin octobre et commence dès lors à entamer des missions de liaisons, de transports opérationnels, d’évacuations sanitaires, de surveillance maritime et d’appui feu.  Nous reparlerons de cette flottille,  plus loin.

 

Grâce à ces premières forces, les opérations à l’encontre des rebelles indochinois débutent alors en Cochinchine (Saïgon, Mytho, Cantho, Gocong, Travinh, Vinh Long etc..  localités qui sont nettoyées et reprises les unes à la suite des autres). Ce premier contingent de combattants est renforcé par l’arrivée d’un second* emmené durant la deuxième quinzaine d’octobre par nos bâtiments : GLOIRE,  SUFFREN, GAZELLE, ANNAMITE, SÉNÉGALAIS, SOMALI, FANTASQUE et BÉARN, ainsi que des cargos Ville de Strasbourg et Quercy. D’autres forces arrivent ensuite durant le dernier trimestre de l’année 1945.

*Hormis l’Armée de terre et  de l’Air, voici la liste et les dates d’arrivée en Indochine jusqu’en janvier 1946, des unités à terre de la Marine nationale, au sein de la BMEO (Brigade marine d’extrême orient) :

- Compagnie de reconnaissance "Merlet" (fusiliers marins) : 19 octobre.

- Compagnie de mortiers "Dalet" : 2 novembre.

- 1er escadron du régiment blindé de fusiliers marins (RBFM) : 22 décembre.

- 2ème et 3ème compagnies de mortiers : 4 janvier 1946.

- 2ème,  3ème et 4ème escadrons du RBFM : 16 janvier 1946.

 

Ces opérations de pacification menées en Cochinchine et Sud Annam sont pratiquement achevées vers la fin du mois de janvier 1946 et c’est à cette époque que les Britanniques se retirent d’Indochine. La paix étant plus ou moins bien rétablie dans cette partie du pays, les autorités françaises envisagent notre réimplantation au Tonkin. Celle-ci débute le 6 mars par l’opération "Bentré" aux alentours d’ Haïphong, opération effectuée grâce à un débarquement de 20 000 hommes (9ème D.I.C, Groupement mobile de la 2ème DB, Brigade marine d’extrême orient, diverses compagnies de transmissions, de transport et de ravitaillement ainsi que d’unités médicales). Ce débarquement d’hommes acheminés par divers bâtiments (BÉARN, BARFLEUR, ERIDAN, LST, LCI, etc…)  est effectué par chalands sous la protection des Croiseurs EMILE BERTIN, TOURVILLE et DUQUESNE, des Contre-torpilleurs LE TRIOMPHANT* et LE FANTASQUE, des Avisos ou Escorteurs CHEVREUIL, GAZELLE, SAVORGNAN DE BRAZZA et ALGÉRIEN ainsi que des hydravions de la flottille 8F et de l’escadrille 8S acheminés par le BÉARN. Cette reprise du terrain entravée quelque peu par les Chinois alors en place au Tonkin et qui en s’opposant par moments au débarquement sont neutralisés par les tirs de nos bâtiments, se poursuit jusqu’au 17 mars, date de l’entrée à Hanoï du détachement Massu de la 2° D.B.

*Le CT Le Triomphant en tête des 35 bâtiments transportant les 20 000 hommes du corps expéditionnaire, en remontant le Cua Can jusqu’à Haïphong, est reçu par des rafales de 20 mm  chinoises qui occasionnent la mort de 8 de ses marins et en blessent grièvement une vingtaine d’autres. Le commandant du Triomphant, le CV Jubelin, ordonne alors aux canonniers des pièces de 138 du bord, de faire feu. Dès les premières salves, un obus atteint un dépôt de munitions qui explose. Les Chinois dépêchent alors des parlementaires afin de régler pacifiquement la question…. Ces quelques tirs du contre torpilleur auront suffi pour que les deux armées chinoises alors présentes à Haïphong et comptant  plus de 28 000 hommes, acceptent le débarquement français.

 

Une relative période de calme, entrecoupée de troubles ou d’attaques menées par les indépendantistes, s’établit alors jusqu’en octobre. Entre temps des conversations franco-vietnamiennes se déroulent en France avec Ho Chi Minh, mais n’aboutissent qu’à un échec et dès novembre l’activité subversive du Viet Minh reprend. La rupture entre Français et Vietnamiens se produit le 19 décembre lors de graves incidents à Hanoï qui embrasent tout le pays et qui contraignent  les Français à reprendre le cours des opérations de pacification. C’est alors le début de la guerre d’Indochine. Les Chinois de leur côté, tout en traînant les pieds, ont quitté le Tonkin en septembre.

 

      

 

Très affaibli en fin 1947 par nos actions militaires, le Vietminh s’organise par la suite et transforme progressivement au cours des années 1948 et 1949 ses opérations de guérilla en offensives armées menées par des unités régulières. Au point de vue politique, la France abandonnant l’idée de traiter avec Ho Chi Minh, consent du bout des lèvres et après bon nombre de tractations, à ce que l’ex empereur Bao Daï revienne au devant de la scène. Ce dernier durant le deuxième semestre de l’année 1949 forme un gouvernement destiné à s’opposer à celui d’Ho Chi Minh et la France reconnaît et signe alors le 30 décembre les accords pour l’abolition du protectorat et  l’indépendance du pays. Dans cet accord il est stipulé que la France et le Vietnam mettront en commun la totalité de leurs moyens pour la défense, la libre circulation des forces de l’union française (dans laquelle le Laos et le Cambodge ont acceptés d’être intégrés) et l’installation de ces forces dans des bases stratégiques et des garnisons.

C’est à compter de ce moment là, que la France fidèle aux accords signés, en poursuivant sa lutte contre le Vietminh et en soutenant et aidant militairement le Vietnam qui vient de voir le jour, s’engage dans une phase militaire qui ne la concerne plus tout à fait directement.

Pendant ce temps en décembre 1949, les troupes communistes chinoises* occupent la frontière nord du Tonkin, et cette nouvelle donne va modifier complètement la situation militaire, le Vietminh pouvant alors bénéficier dorénavant d’une aide considérable en matériel de la part de ce pays ainsi que la formation et l’entraînement d’unités militaires sur le sol chinois.

*Après la défaite japonaise de 1945, la guerre civile reprend en Chine entre les communistes fidèles à Mao Tse Toung et le Kuomitang de Tchan Kaï Chek. Elle se termine le 1er octobre 1949 par la victoire des communistes.

 

Le problème du Vietnam s’internationalise  et devient une lutte entre d’un côté l’URSS et la Chine communistes, et de l’autre le bloc occidental représenté par les USA, la France et la Grande Bretagne. Toute cette lutte se traduit dans chaque partie par une aide économique et matérielle apportée aux belligérants. C’est dans ce contexte, que les USA délivrent à la France de nouveaux armements (Les premières livraisons d’armes et de matériel US arrivent à Saïgon en juin 1950). Sur un tout autre plan (Marshall), l’aide apportée à la Marine française se concrétise par le prêt de deux porte-avions (LA FAYETTE et BOIS BELLEAU) ainsi que par la livraison de divers aéronefs destinés à son aviation embarquée ou basée à terre (Hellcat, Helldiver, Grummann Goose, Privateer, etc... ).

 

Si durant les années allant de 1950 à 1954 la guérilla se poursuit au Sud Vietnam et au Cambodge, la véritable bataille se déroule au nord. Enhardi par l’importance des effectifs qu’il a mis sur pied, le Vietminh  décide en 1950 de chasser les Français de la frontière nord du Tonkin et de lancer ensuite une grande offensive afin de reprendre Hanoï. En septembre et octobre 1950, il lance l’attaque et fait subir de très lourdes pertes aux forces Franco-vietnamiennes, obligeant ces dernières à évacuer Cao Bang et Lang Son. Une autre offensive Vietminh destinée à reprendre Hanoï, avorte en janvier 1951 devant la résistance acharnée des troupes du Général DE LATTRE. A  la suite de cette bataille, les forces franco-vietnamiennes se regroupent dans un triangle autour d’Hanoï où elles établissent un formidable réseau de fortifications devant lequel échoue le Vietminh lors d’une grande attaque lancée en mai et juin 1951.

Constatant que ce secteur est doté d’une très grande résistance, le Vietminh porte désormais ses efforts sur le pays Thaï et en fin de l’année 1952, après une formidable offensive au cours de laquelle les franco-vietnamiens sont obligés de se replier sur Nasan, une grande partie de cette région passe sous son contrôle et le Laos est alors directement menacé.

En mai 1953, le Général SALAN alors commandant en chef en Indochine, laisse sa place au Général NAVARRE et ce dernier décide, afin de barrer la route du Laos aux troupes du Vietminh, de transformer la cuvette de Dien Bien Phu en place forte retranchée, en remplacement de celle de Nasan.  On connaît la suite...

 

Pour information, voici la liste du haut état-major, dans le créneau des années 1945 et 1954 (Armée de terre et Marine Nationale) :

 

COMMANDANTS EN CHEF

COMMANDANTS DES FORCES

MARITIMES D'EXTRÊME-ORIENT

COMMANDANTS DE LA MARINE

EN INDOCHINE

 

Gal LECLERC

(jusqu’en janvier 1947)

VA AUBOYNEAU

(sept 1945 à fév 1947)

CA GRAZZIANI

(oct.1945 à fév.1947)

Gal VALLUY

(juil 1946 à fév.1948)

VA BATTET

(fév 1947 à mars 1949)

CA KRAFT

(fév 1947 à avr 1949)

Gal SALAN

(fév 1948 à juin 1948)

VA ORTOLI

(mars 1949 à juil 1952)

CA JOURDAIN

(avr 1949 à oct 1949)

Gal BLAIZOT

(juin 1948 à sept 1949)

VA AUBOYNEAU

(juil 1952 à oct 1954)

CA SENES

(oct 1949 à mars1950)

Gal CARPENTIER

(sept 1949 à déc 1950)

VA JOZAN

(oct 1954 à avr 1956)

CA ROSSET

(mars 1950 à avr 1951)

Gal de LATTRE de TASSIGNY

(déc 1950 à janv 1952)

  CA de BOURGOING

(avr 1951 à nov 1952)

Gal SALAN

(jan 1952 à mai 1953)

  CA BLANCHARD

(nov 1952 à  mars 1954)

Gal NAVARRE

(mai 1953 à  juin 1954)

  CA CABANIER

(mars 1954 à fév 1956)

Gal ELY

(juin 1954 à juin 1955)

   
Gal JACQUOT

(juin 1955 à avril 1956)

   

  

 

     

 

 
         
 

Navarre

 

Auboyneau

 

    

 

 

L’année 1947

 

Après les évènements du 19 décembre 1946, les principales villes du Tonkin et du centre Vietnam sont bloquées par les rebelles; ce qui conduit les troupes françaises, durant le 1er trimestre 1947, à effectuer deux importantes opérations : la première dans la région de Tourane et la seconde à Nam Dinh. En mars la situation est redressée, le Vietminh ayant échoué devant les 115 000 hommes du corps expéditionnaire français.  Afin de profiter de cette embellie, une opération nommée "Léa"  est alors lancée au nord Tonkin le 7 octobre, afin de prendre en tenaille les forces vietminh entre la rivière Claire et la frontière chinoise. Cette opération menée à bien, se termine le 10 novembre sans grandes pertes de notre côté et désorganise complètement le dispositif ainsi que le commandement adverse. Nos troupes occupent alors la frontière nord du Tonkin, coupant ainsi le ravitaillement en armes au Vietminh.

Afin de parachever la destruction des forces rebelles, une opération baptisée "ceinture" est engagée ensuite entre le 19 novembre et le  14 décembre. Elle se déroule aux alentours de Vietri, Tuyen Quang, Tai Nguyen et Phu Lang Thuong, et élimine environ  7000 hommes du Vietminh ce qui affaiblit alors considérablement ce dernier.

Durant cette année là, l’activité de nos forces aéronavales (8F et 8S) est axée dans des missions de surveillance des côtes et des fleuves, de protection de la navigation, de transport et de soutien aux opérations lancées par les troupes terrestres. Durant le dernier trimestre, les Catalina de la flottille 8F et les Sea Otter de la 8S, en participant aux opérations en cours, effectuent de nombreuses missions de reconnaissance de mitraillage et de protection de convois fluviaux et routiers.

 

Bilan annuel de ces 2 formations :

Formations

Heures de vol

Nombre de missions

Passagers transportés

Fret

8F

3194

764

3350

22 tonnes

8S

879

448

433

1 tonne (environ)

 

Après avoir subi en fin d’année 1946 à Toulon des travaux de remise en état comme porte-avions, le DIXMUDE appareille le 27 janvier 1947 pour l’Indochine, transportant un renfort de 29 avions pour l’Armée de l’Air et la flottille 3F dotée de 9 SBD Dauntless. Arrivé à Saïgon le 3 mars, il débarque sa cargaison, puis appareille pour la région du Centre Annam. Son aviation embarquée bombarde alors des objectifs militaires sur Faï Foo. A l’issue de cette opération, il fait route vers la baie d’Along où il séjourne du 18 au 26 mars et où la flottille 3F effectue des bombardements d’objectifs militaires à Vinh Yen et Thang Yen, ainsi que nombreuses missions d’appui à Cua Giang en Annam à partir du 28. Cette première campagne du DIXMUDE se termine le 14 avril, avec un problème lié à sa catapulte indisponible à compter du 21 mars et irréparable sur place (les SBD étant obligés de décoller avec une masse allégée).

Après son retour en métropole où il subit un carénage et la réparation de sa catapulte, le DIXMUDE appareille à nouveau  pour l’Extrême orient le 16 septembre, emportant sur son bord 24 appareils destinés à l’Armée de l’Air et 9 SBD de la flottille 4F. Il arrive à Saïgon le 21 octobre ayant catapulté la veille les appareils de la flottille en direction de l’aérodrome de Tan Son Nhut qui commencent à opérer depuis la terre à partir du 24.

De nombreuses missions de bombardement et d’appui aérien se déroulent alors et au cours desquelles, les 27 et 29 octobre, deux appareils sont perdus (avec le décès le 27 octobre de l’EV GAY et du SM CADET).

Après avoir récupéré sa flottille le 14 décembre, le porte-avions appareille du Tonkin, fait un court séjour devant Tourane, opère avec la 4F dans ce secteur où il perd une autre appareil (sans décès d’hommes) et rejoint Saïgon le 24, date à laquelle les SBD sont à nouveau cantonnés à Tan Son Nhut.

 

Bilan de l’activité de la 4F durant le dernier trimestre 1947 :

Sorties en opérations

Heures de vol en opérations

Bombes larguées

Nb de cartouches tirées

200

332

65 tonnes

60 000

 

 

L’année 1948

 

Grâce à la coopération étroite entre la Marine et les forces de l’Armée de terre, le harcèlement de l’adversaire se poursuit durant les premiers mois de l’année.

Au mois d’août, l’ennemi reprend l’initiative en bordure de la Cochinchine et du Cambodge (Rachgia, Hatien, et Go Bac Chien) région dans laquelle nos forces terrestres subissent d’assez lourdes pertes. La reprise en main s’effectue par une opération d’envergure nommée "Dragon" qui oblige l’adversaire à se retirer au sud-ouest de la plaine des joncs.

En septembre et octobre des dégagements sont effectués, notamment celui de Saïgon au moment de l’anniversaire de la révolution de 1945 et ensuite celui de la route coloniale menant de Saïgon à Vinh-Long.

A partir du mois de novembre, les opérations ralentissent quelque peu en Indochine sud, par suite du prélèvement de personnel au profit du Tonkin.

Durant le 1er trimestre les opérations aéronavales en Cochinchine ont été conduites par les 4F, 8F et 8S. La flottille 4F a effectué entre le 12 janvier et le 3 mars un grand nombre de missions de bombardement sur des groupements adverses hors de portée des troupes à terre (Plaine des joncs et presqu’île de Camau). Le 3 avril le DIXMUDE et sa flottille quittent Saïgon pour la France après que la 4F ait été décorée de la croix de guerre avec palme.

La 8F et la 8S ont continué, de leur côté, de participer à des missions de surveillance et d’appui aux forces fluviales.

A partir du 2 avril les Catalina sont détachés : Trois sont basés séparément  à Haïphong, Nha Trang et Saïgon et deux autres sont destinés aux opérations du Tonkin et de Cochinchine (le Catalina affecté aux opérations de Cochinchine est groupé avec 4 Sea-Otter de la 8S, le tout sous les ordres du Général commandant les troupes françaises en Indochine Sud).

Appareillant de Toulon le 30 octobre le porte-avions ARROMANCHES (sous les ordres du CV JUBELIN) et son escorte le D.E MAROCAIN arrivent à Saïgon le 29 novembre. A partir du terrain de Tan Son Nhut, la 4F, sa flottille embarquée, entame sa deuxième campagne de bombardement en Extrême Orient (plaine des joncs, Vinh Loï, canal Lagrange, Co Bac Chien et Bien Hoa). A compter du 8 décembre, 4 Dauntless de la flottille sont envoyés au Tonkin afin de participer à une opération, tandis que, le 11 décembre, les 6 autres appareils réembarquent sur l’ARROMANCHES  en direction de l’Annam. Arrivée dans ces eaux, la 4F effectue quelques missions de bombardement dans la zone côtière, sur le tunnel de Gia Huu ainsi que sur des installations ferroviaires. Un appareil est perdu au cours d’une de ces opérations, mais ses deux membres d’équipage sont récupérés sains et saufs par le MAROCAIN. L’ARROMANCHES quitte l’Annam le 15 décembre et stationne devant le Tonkin du 16 au 20, période durant laquelle la 4F basée à Gia Lam attaque des positions Vietminh  proches de la frontière chinoise (Haï-Giang, Song-Giang, Mo-Xat etc…).

Après avoir récupéré ses avions le 20 décembre , journée durant laquelle l’un d’eux disparaît en mer avec son équipage, le porte avions les catapulte pour une opération dénommée "Manille" dans les régions de Vinh, Cam-Trang, Phu-Xa, Chu-Le... afin de bombarder des fabriques et des dépôts d’armes ennemies. Cette première campagne de l’ARROMANCHES se termine le 5 janvier, et celui-ci retourne en métropole.

 

Bilan annuel des formations en Indochine :

Formations

Heures de vol en opérations

Bombes larguées

Passagers transportés

Fret

4F

680

75 tonnes

 

 

8F

2145

 

2928

16 tonnes

8S

1594

 

935

 

 

A la fin de l’année 1948 la dotation de la flottille 8F est de 9 Catalina et celle de l’escadrille 8S est de 9 Sea-Otter, 1 Loire 130 et 2 Aïchi.

 

 

 

L’année 1949

 

Le Général BLAIZOT, commandant des forces armées d’Indochine, projette suite aux opérations du Tonkin, de continuer à dégager le fleuve rouge des bandes Vietminh. Une opération dénommée "Diane" débute alors le 15 février mais se réduit à l’occupation de quelques points.

Pendant que des accords sont signés à Paris le 8 mars avec l’empereur Bao Daï, des troubles frontaliers se produisent au nord du Tonkin, région dans laquelle des bandes Sino-Vietminh attaquent des postes et pillent la ville de Moncay.  Des renforts acheminés permettent de refouler les assaillants.

Ces attaques, préludes à l’arrivée des troupes chinoises de Mao Tsé Toung sur la frontière du Tonkin, préoccupent notre état-major qui préconise alors l’évacuation de Cao Bang et Dong Khe, postes éloignés dont la défense près de la frontière chinoise devient difficile. Le 2 octobre, le convoi Lang Son - Cao Bang est attaqué au col de Lung-Vaï. Bilan : 28 tués, 44 disparus et 37 blessés. A la suite de ce revers, il est alors décidé de ne pas évacuer Cao Bang, et cette décision aura en 1950 d’assez funestes conséquences.

Durant le 2ème semestre 49, d’importants renforts en hommes et en matériels arrivent de France et permettent d’avoir une situation militaire générale assez bonne dans l’ensemble.

Au cours du 1er trimestre les Catalina de la 8F, effectuent de nombreuses missions de surveillance et participent à trois opérations en Cochinchine, au Tonkin et dans le golfe du Siam. La première, nommée "Nicolaï", qui se déroule du 28 au 30 janvier, s’opère contre une grosse concentration rebelle le long du canal Nicolaï, opération durant laquelle de fructueux bombardements sont effectués par la 8F. La deuxième, nommée "Nacelle" s’effectue du 25 février au 2 mars et elle est destinée à mener à bien une reconnaissance hydrographique du Van-Uc et de la partie orientale du canal des bambous. Elle se solde par la destruction de 22 sampans Vietminh pour deux de nos Catalina atteints par des impacts de balles ennemies. La troisième, nommée "Mousson", se déroule du 4 au 5 mars à l’est d’Hatien. Elle est effectuée en compagnie de forces de l’armée de terre et de 3 groupes de commandos marine transportés par l'Aviso PAUL GOFFENY, le LST RANCE, le Dragueur JONQUILLE et des LCM, ces forces détruisent des ateliers d’armement Vietminh à Nui-Trau.

Les appareils de la 8S de leur côté effectuent de nombreuses sorties de protection de convoi, de reconnaissance et de réglages de tirs en Cochinchine.

Durant le second trimestre, l’effort remarquable de nos forces aéronavales se poursuit sans interruption dans une situation générale difficile et inquiétante. Au Tonkin, elles participent aux opérations sur le Fleuve Rouge et aux escortes de convoi à Nam-Dinh. En Cochinchine et au Cambodge, nos appareils participent à 4 opérations :

- opération "Orion" du 6 au 9 avril qui permet la destruction de forces rebelles et d’ateliers d’armement au sud de Go Quao.

- opération "Tabac",  du 19 au 24 avril avec pour point final la destruction d’ateliers d’armement sur l’île de Mocay.

- opération "Paddy", du 18 au 29 mai sur l’île de Lynhon, voit l’anéantissement de camps rebelles.

- opération "Odyssée", du 2 au 29 juin qui s’opère contre des forces ennemies dans la plaine des joncs.

Au cours du troisième trimestre, 37 missions au profit de la surveillance maritime sont effectuées par nos appareils dont 17 ayant pour objectif la recherche du bâtiment SING-KONG. Ce bateau transportant d’importantes personnalités Vietminh et un matériel considérable, a été arraisonné par l’aviso COMMANDANT DE PIMODAN et s’est sabordé.

Les 8F et 8S ont également participé avec efficacité durant ce trimestre à la surveillance fluviale, aux réglages de tirs, ainsi qu’à diverses opérations au Annam et en Cochinchine. Notons que le 9 août, un Sea-Otter de la 8S, amerrissant à Cantho par temps bouché, capote et coule en entraînant dans la mort 4 membres de son équipage.

Le dernier trimestre de l’année, se décompose pour ces 2 formations, en missions de reconnaissance, en participation à la reconnaissance et à la surveillance fluviales, aux réglages de tirs de nos bâtiments PAUL GOFFENY, ROBERT GIRAUD, LCG 111 et BISSON, ainsi qu’à l’observation et à la protection de diverses opérations menées par nos troupes terrestres en Cochinchine ou au Tonkin (2 missions de bombardement sont effectuées par la 8F dans la deuxième région).

 

Bilan annuel de ces 2 formations :

Formations

Heures de vol en opérations

Nombre de missions

Passagers transportés

Fret

8F

1533

391

1482

13 tonnes

8S

957

427

95

 

 

 

L’année 1950

 

Jusqu’à cette époque, les opérations en Indochine ont consisté en une lutte de guérillas, le Vietminh organisant peu à peu son appareil militaire. A partir de 1950, cette guérilla se poursuit au Sud et au Cambodge tandis qu’au Tonkin, après l’occupation de la frontière par les troupes communistes chinoises, la lutte va devenir de plus en plus dure; le Vietminh profitant d’une aide considérable en matériel en provenance de la Chine et même de la Russie. Des unités militaires allant jusqu’à la division sont alors formées sur le sol chinois, unités dont le mordant va être de tout premier ordre.

Si jusqu’à l’automne nous avons conservé l’initiative et poursuivi l’occupation du delta tonkinois, le Vietminh, fort de ses effectifs, attaque en masse et contraint en septembre les forces franco-vietnamiennes à quitter Cao Bang où les colonnes Charton et Lepage en retraite de Cao Bang et Thaï Khé sont anéanties le 6 octobre (900 hommes sur les 3500 arrivent à se dégager, à la suite de rudes combats). A l’annonce de cette défaite le gouvernement français, harcelé par l’opinion publique, envoie sur place  le 17 octobre Monsieur LETOURNEAU et le Général JUIN afin d’examiner les problèmes.

La pression Vietminh continuant, nous évacuons Lang Son le 18 octobre, puis Lao Kay le 2 novembre. Suite à l’évacuation de Lao Kay, le Vietminh occupe sans peine la rive droite du fleuve Rouge jusqu’au confluent de la rivière Noire. Hoa Binh et Hung Hoa sont alors abandonnées par nos forces, Hanoï étant alors directement menacé. Début décembre, le Vietminh exerce un effort continu sur la ligne Haïphong-Hanoï, tandis qu’il attaque la région de Monkay - Tien Yen. Les forces franco vietnamiennes résistent, mais le 18 décembre le poste de Dinh Lap doit être évacué à son tour, accentuant la menace sur les charbonnages de Hongay et Haïphong. Entre temps, le 6 décembre, le Général de LATTRE de TASSIGNY* est nommé haut commissaire en Indochine et commandant en chef et arrive sur le terrain le 17 décembre.

Le Général de Lattre de Tassigny

Au point de vue des effectifs la situation de l’Armée de terre en décembre 1950 est assez précaire. Les lourdes pertes subies durant l’été et l’automne (près de 4300 hommes) n’ont pas été comblées. Les effectifs s’élèvent à 141 000 hommes français auxquels il convient de rajouter 41 000 supplétifs. En revanche la situation en matériel se présente beaucoup mieux, grâce à l’aide militaire américaine apportée dès le mois de juillet. A ce sujet notons sur le plan air et aéronaval que le porte-avions DIXMUDE débarque à Saïgon le 28 octobre avec 30 chasseurs Hellcat destinés à l’Armée de l’Air et, par la suite, 10 Privateer destinés à remplacer les Catalina de la 8F arrivent par voie aérienne à la fin du mois de novembre.

 

*A la suite de cette nomination, le « roi Jean » rétablit la situation  en gagnant les batailles de Vinh-Yen et Mao-Khé et parvient à mettre sur pied une armée nationale vietnamienne. Durant l’été 1951 il tente de convaincre les Américains que la guerre d’Indochine est le prolongement de celle de Corée. Il meurt à Paris des suites d’une longue maladie le 11 janvier  1952. Il sera élevé à la dignité de Maréchal de France à titre posthume.

 

 

Les appareils de l’Aéronautique navale, de leur côté continuent durant cette année les missions de reconnaissance, de surveillance fluviale, de réglages de tirs tout en participant à toutes les opérations combinées (liaisons, observation, bombardement, mitraillage, évacuations sanitaires, parachutages de vivres et de médicaments).

A compter du 2ème trimestre, des aéronefs sont confiés à la Marine (2 Morane 500 destinés à l’observation et 1 Dakota pour les liaisons).

Le 1er octobre voit la naissance de l’escadrille 9S. Celle-ci armée en Sea Otter, assure les mêmes missions que la 8S.

Un Catalina de la 8F est perdu au large des côtes d’Annam le 6 mars (équipage sain et sauf).

A la fin de l’année 1950 la dotation de la 8F est de 10 Privateer encore non opérationnels et de 6 Catalina dispersés à Tan Son Nhut, Haïphong et Tourane.  La 8S et la 9S sont armées chacune avec  5 Sea-Otter. Un Morane 500 se trouve à Haïphong et un autre stationne à Tan Son Nhut en compagnie d’un Dakota.

 

Bilan annuel des 3 formations :

Formations

Heures de vol en opérations

Nombre de missions

Passagers transportés

Fret

8F

1753

443

1585

4 à 5 tonnes

8S

1314

450

49

 

9S

252

83

 

 

 

 

L’année 1951

 

Les actions militaires habituelles se poursuivent à l’intérieur du pays, mais continuent de s’intensifier au nord. Les principales offensives menées au Tonkin peuvent être énumérées ainsi : Le 12 janvier une attaque générale du Vietminh dans la région de Vinh Yen se termine par un échec vers le 20 janvier, après de très durs combats.

Fin mai début juin, l’adversaire lance une offensive très dure à 50 km au sud d’Hanoï. Connue sous le nom de bataille du Day, le Vietminh  subit un grave revers devant Nin Binh et Phuly. Cette action est arrêtée définitivement le 20 juin.

Un autre échec en octobre se produit pour le Vietminh, lors d’une attaque lancée par eux au nord-ouest du Tonkin dans les environs de laï Chau en pays Thaï.

En novembre une vaste offensive franco-vietnamienne, nommée bataille de la rivière Noire, à une cinquantaine de km dans l’Ouest-sud-ouest de Hanoï, conduit à l’occupation de Hoa Binh, que les troupes du Vietminh s’efforcent de reprendre vainement jusqu’au 14 décembre. Suite à cet échec, l’adversaire est refoulé sur ses positions de départ à Chapa et dans la vallée du fleuve Rouge).

Au milieu du mois de décembre, le Général de LATTRE, malade, rejoint la France et entre en clinique le 20. Le Général SALAN est alors nommé commandant en chef.

Au point de vue de nos forces terrestres, la situation s’améliore durant l’année. A la demande du Général de LATTRE des renforts sont acheminés de Métropole et au cours de cette année l’effectif se monte à près de 190 000 hommes, nombre auquel il faut rajouter 47 000 supplétifs. L’Armée nationale vietnamienne de son côté voit également ses effectifs s’accroître, passant de 75 000 en janvier à près de 148 000 en décembre, constituant ainsi  un renforcement important pour notre corps expéditionnaire.

Sur le plan matériel, l’aide militaire gratuite américaine pour les années allant de 1950 à 1951 est concrétisée par l’octroi d’armement aux troupes terrestres. Celle intéressant la Marine nationale se chiffre en gros ainsi : 8 patrouilleurs côtiers, 6 LSSL, 3 LSIL, 40 LCM, 66 engins d’assaut, 26 vedettes de type Y, 10 avions Privateer et 12 hydravions JRF.5 Grumman Goose.

 

  

 

Sur le plan opérationnel, la flottille 8F nouvellement armée en Privateer, se partage en surveillance maritime et  à partir du 14 mars en missions de bombardement, en liaison avec l’Armée de l’Air au sein d’un programme d’action indépendante (ces missions de bombardement occupant 25 pour cent de son activité). Les appareils sont basés normalement à Tan Son Nhut, mais un ou deux d’entre eux stationnent en permanence soit à Tourane soit à Haïphong.

L’escadrille 8S qui vient d’hériter des Catalina de la 8F, se voit cantonnée durant toute cette année à Haïphong avec un détachement occasionnel à Tourane. Au cours du second trimestre, 2 ou 3 Morane 500 formant en son sein une section, sont également réunis à Haïphong en renfort des Catalina. L’escadrille consacre son activité à des missions de surveillance maritime dans le golfe du Tonkin, à celles de surveillance d’opérations combinées et à des liaisons.

L’escadrille 9S basée à Cat Laï et armée en Sea Otter, effectue durant le cours de cette année des missions d’éclairage d’opérations combinées en détachant suivant les besoins 1 ou 2 de ses appareils sur la base de Cantho ou sur les tenders d’aviation PAUL GOFFENY et ROBERT GIRAUD participant à ces opérations. C’est ainsi que chaque opération de grande envergure sur le Mékong reçoit le concours de plusieurs Sea Otter décollant de Cat Laï ou mis à l’eau à partir de ces tenders d’aviation. Toutefois l’usure de plus en plus importante du matériel et la situation critique de certaines pièces de rechange, commencent à laisser entrevoir la dissolution prochaine  de cette escadrille.

 

Bilan annuel des 3 formations (la section de liaison avec le C47 Dakota n’est pas incorporée ici) :

Formations

Heures de vol en opérations

Nombre de missions

Passagers transportés

8F Privateer

2532

547

 

8S Catalina

658

387

478

9S Sea Otter

1604

629

32

 

Appareillant de Toulon le 28 août 1951, le porte-avions ARROMANCHES avec à son bord les flottilles 1F (armée en F6F5 Hellcat) et 3F (SB25 Helldiver), arrive au cap Saint Jacques le 24 septembre en compagnie de son escorteur LE MALIN.

Durant ce dernier trimestre de l’année, l’activité du groupe aérien peut se résumer ainsi :

- du 10 au 14 octobre en Annam, missions indépendantes contre les voies de communications, bombardements de ponts, et assaut découverte sur des itinéraires, routes ou voies ferrées.

- du 14 au 21 octobre au Tonkin, appui direct, action contre les centres de ravitaillement et les dépôts vietminh entourant le delta. Assaut découverte sur des itinéraires fixés par le GATAC*. Le 17 octobre à la verticale du pont de That Ké entre Langson et Cao Bang, un Helldiver de la 3F s’écrase au sol entraînant dans la mort le LV GAUTRIAUD et le SM photographe JACQ.

- du 6 au 13 novembre en Annam, malgré des conditions météo déplorables, missions indépendantes contre les voies de communication, et  bombardement de ponts. Un deuxième accident mortel se produit durant cette période : le 7 novembre, le Hellcat piloté par le LV LENGLET s’écrase au sol en fin de piqué.

- du 13 novembre à la fin décembre au Tonkin, missions d’actions indépendantes et d’appui feu. En plus de ces actions indépendantes le groupe aérien est utilisé fréquemment en appui feu direct.

*GATAC : Groupe aérien tactique dirigé par l’Armée de l’Air.

 

Activité du groupe ARROMANCHES en Indochine durant le dernier trimestre :

Formations

Nombre de missions

Heures de vol

1F

414

806

3F

172

418

 

  

 

 

L’année 1952

 

Après l’entrée en clinique du général de LATTRE, le commandement est assumé par SALAN qui doit alors contenir au Tonkin, entre le delta et la rivière Noire, une série de violentes offensives dirigées sur Hoa Binh. Il est obligé de faire intervenir dans ce secteur les troupes françaises du delta laissant dans bien des endroits la défense de celui-ci aux troupes loyalistes vietnamiennes. Si en janvier, l’occupation de Hoa Binh peut être maintenue, il apparaît que la conservation de ce point est onéreuse et n’empêche nullement la circulation du Vietminh. Ce point est donc évacué entre le 22 et le 25 février.

De mars à septembre, les troupes franco vietnamiennes se contentent d’un nettoyage sérieux du delta tonkinois, les troupes vietminh s’y accrochant durement. Le commandement français pendant ce temps remanie son dispositif, grâce au matériel américain qui arrive en grosse quantité (Pour information : dès le mois de mars, 52 B26 destinés à l’Armée de l’Air et 12 amphibies Grumman Goose réservés à l’Aéronautique navale, parviennent en Indochine).

Le 13 octobre, le Vietminh lance une grande offensive en pays Thaï entre le fleuve Rouge et la rivière Noire. Le 18 il occupe Nghia-Lo puis la rivière Noire est atteinte en plusieurs points. Le 29 octobre, le commandement français déclenche l’opération "Lorraine" avec pour but de remonter la rivière Noire. Après avoir atteint les environs de Yen Bay au milieu de novembre, les forces franco-vietnamiennes se replient en fin de mois sur Viétri, durement harcelées par le Vietminh. Le 24 novembre nos troupes sont obligées d’évacuer Son-La difficile à défendre et se replient à Nasan qui a été transformé en camp retranché, son aérodrome permettant une meilleure défense. Fin novembre, l’adversaire lance de très fortes attaques contre Nasan qui sont écrasées par l’artillerie et l’aviation, subissant de lourds échecs et pertes , le Vietminh n’insiste alors plus dans ce secteur et certaines de ses unités se dirigent vers le Laos et vers Dien Bien Phu qu’elles occupent le 30 novembre.

Dans le delta tonkinois, fin décembre, le commandement français déclenche au sud-ouest de Nam Dinh l’opération Bretagne suivie ensuite par les Artois et Normandie, afin de lutter contre les très nombreux éléments ennemis infiltrés.

Pendant ce temps et durant toute l’année, la guérilla continue et s’intensifie dans tout le reste de l’Indochine, les effectifs Vietminh mis en ligne étant de plus en plus nombreux. Les Franco-vietnamiens montent alors de nombreuses opérations amphibies.

Voici pour cette année et découpée en trimestres, l’activité de nos formations aéronavales :

 

1er trimestre : L’activité de l’aviation navale basée à terre est très ralentie à cause de la vétusté des Sea Otter et le manque de rechanges pour les Privateer. Celle-ci repart dès le second trimestre grâce à la réception des Grumman Goose, les Catalina cessant toute activité début janvier. Les Sea Otter de leur côté sont retirés du service le 15 mars et l’escadrille 9S est dissoute 15 jours après.

La 8F avec 6 Privateer stationnés à Tan Son Nhut et 1 basé à Tourane ou Haïphong effectue 233 heures de vols opérationnels en 59 sorties. La section de Morane 500 de l’escadrille 8S réalise 82 heures de vol, et les Sea Otter de la 9S s’attribuent 337 heures en 138 sorties.

Le groupe aéronaval de l’ARROMANCHES se trouve au Tonkin du 1er au 9 janvier où il participe à la bataille de la rivière Noire et de la route coloniale n° 6. En Cochinchine du 23 au 27 février, 21 de ses aéronefs participent à diverses actions à partir du terrain de Tan Son Nhut. En Annam du 28 février au 3 mars, le groupe effectue une campagne contre les voies de communication et destruction de buffles transportant du ravitaillement destiné aux insurgés. A nouveau au Tonkin du 6 au 19 mars, les aéronefs participent aux opérations de nettoyage du delta dans des conditions météorologiques extrêmement pénibles. En Annam du 19 mars à la fin du trimestre, ils collaborent aux actions entre Dong Hoï et Hué.

Durant ces 3 mois, le groupe aérien de l’ARROMANCHES a effectué 1295 heures de vol, dont 873 en opérations – 396 appontages et 341 catapultages sont réalisés à bord du porte-avions – Les appareils ont largué 153 bombes de 1000 Lbs, 291 bombes de 500 Lbs, 390 bombes de 250 ou de 260 Lbs et ils ont tiré 24 000 cartouches de 20 mm, 148 000 de 12,7 mm et 14 500 de 7,62 mm.

 

2ème trimestre : Après avoir mené diverses actions au début d’avril dans le golfe du Tonkin, l’ARROMANCHES subit une très dure journée le 14 avril, avec un terrible accident. Le dernier Hellcat d’une pontée de 14 appareils, se présente trop rapidement, rebondit, n’accroche pas les brins, passe au dessus des barrières et atterrit dans d’autres aéronefs. Bilan 4 morts, 3 blessés graves et six appareils détruits...

 

     

 

          

 

Du 19 au 23 avril, le groupe aéronaval de l’ARROMANCHES conduit  un exercice franco-britannique, et mène ensuite des actions indépendantes sous la direction du GATAC dans la région de Xuyen-Moc à l’est du cap Saint Jacques. Après une période de repos, des opérations d’actions indépendantes au nord de Tay-Ninh,  d’appui direct dans la région de Soc-Trang sont effectuées du 10 au 15 mai, à partir des terrains de Tan Son Nhut et de Soc-Trang. Cette deuxième campagne en Indochine se termine le 17 mai date du départ de l’ARROMANCHES vers Toulon où il arrive le 13 juin.

Activité du groupe durant ce trimestre : 600 heures de vol, dont 512 en opérations (332 pour la 1F et 180 pour la 3F) - 321 appontages et 263 catapultages - Les munitions dépensées s’élèvent à 38 bombes de 1000 Lbs, 242 de 500 Lbs, 451 de 250 et de 260, 300 roquettes de 5 pouces, 22 000 coups de 20 mm et 143 000 de 12,7 mm.

L’aviation navale basée à terre retrouve au cours de ce trimestre toutes ses capacités grâce à la livraison de rechanges pour les Privateer et l’entrée en service des Grumman Goose. Les Privateer de la 8F accomplissent de nombreuses missions de bombardement au profit du GATAC sud de la région de la pointe de Camau. A signaler la participation de deux Grumman Goose du 14 au 18 mai lors de l’opération de grande envergure baptisée "Eole" à la limite des secteurs de Cochinchine et d’Annam.

La répartition de l’activité des 2 formations se traduit durant ce trimestre par 567 heures de vol en 122 missions pour la 8F Privateer, et 456 heures en 236 missions pour la 8S Grumman Goose.

 

3ème trimestre : Activité des formations basées à terre :

Formations

Nombre de missions

Heures de vol opérationnelles

Passagers

Fret

8F

158

559

108

340 kg

8S

263

605

122

 

 

4ème trimestre : Si la flottille 8F a été relativement active pour la surveillance maritime durant les second et troisième trimestres, à partir de ce trimestre elle devient pratiquement nulle suite à l’envoi de quatre de ses appareils à Haïphong dans le nord Vietnam, appareils et équipages mis à la disposition du GATAC Nord. L’appui aérien de jour et de nuit qui est devenu le travail principal de ces appareils au Tonkin, est particulièrement apprécié lors de l’attaque de Nasan. En 109 sorties les Privateer ont alors lancé 248 tonnes de bombes.

 

Activité des formations basées à terre :

Formations

Nombre de sorties

Heures de vol

8F Privateer

172

657

8S Grumman Goose

258

543

8S Morane 500

181

256

 

Le 29 août, en compagnie de son escorteur LE MAROCAIN, l’ARROMANCHES appareille à nouveau pour l’Indochine avec cette fois-ci sur son bord les flottilles 9F (SB2C Helldiver) et 12F (F6F Hellcat), et arrive à Saïgon le 29 septembre.  Dès l’entrée en opération le 8 octobre, les flottilles effectuent en Annam durant quelques jours des bombardements et des actions de harcèlement dans la région de Vinh Hot et dans le Than Hoa. Du 11 au 20 octobre, au Tonkin, elles attaquent la batellerie sur la rivière claire et commencent leurs bombardements de coupure de la route coloniale 3. Du 20 au 30 octobre, elles opèrent dans la région comprise entre le fleuve Rouge et la rivière Noire et attaquent des voies de communications et des axes de cheminement ennemis pendant le repli des troupes amies après la chute de Nghia Lo.

Du 5 au 20 novembre, elles opèrent principalement dans la région de Yean Bay et Pau Doan, bombardant la route n) 13 et appuyant les troupes au cours de l’opération Lorraine.

Du 20 novembre au 2 décembre, elles interviennent en pays Thaï, à Nasan et sur la route n° 41 par des bombardements et par des attaques au sol.

Enfin du 10 au 31 décembre, l’activité se reporte sur la surveillance des routes 12 et 41,  et la zone comprise entre le fleuve Rouge et la rivière Noire. Durant cette période et à chaque retour de missions, les aéronefs en profitent pour mener des attaques dans le delta. C’est au retour d’une de ces missions que le 19 décembre l’ Helldiver piloté par l’EV PAUNET, percute le sol pour une raison inconnue et entraîne dans la mort son pilote et le SM LOTODÉ.

 

Activité des 2 flottilles :

Formation

Heures de vol totales

Heures de vol opérationnelles

Sorties

Appontages

Catapultages

9F

1195

1064

405

407

352

12F

2074

1958

978

715

645

 

Munitions tirées par ces 2 flottilles (Napalm non inclus dans ces relevés):

Formations

Bombes de 1000 Lbs

Bombes de 500 Lbs

Bombes à fragmentation

Bombes de 250 Lbs

Roquettes de 5 pouces

Coups de 20 mm

Coups de 12,7 mm

  9F

204

544

412

333

344

61635

 

12F

318

678

62

146

652

 

453 000

 

       

 

 

 

L’année 1953 et le début de 1954

 

Après avoir lancé une attaque dès le 14 janvier contre Ankhe dans les plateaux Moï, le Vietminh est repoussé une vingtaine de jours plus tard grâce à l’intervention de 3 bataillons parachutistes, de 3 commandos Marine et d’un groupe d’artillerie, ces forces étant soutenues par l’Armée de l’Air et le groupe d’aviation embarquée du porte-avions ARROMANCHES.

S’attendant à une offensive en pays Thaï ou au Laos, le commandement français entreprend ensuite quelques diversions avec entre autre un raid organisé le 17 mars sur Hoa Binh afin de détruire des itinéraires utilisés par le Vietminh pour son  ravitaillement. Le 27 mars une vaste opération nommée "Hautes Alpes" démarre du delta tonkinois en direction de Than Hoa, afin de dégager la province de Phat Diem.

Au Sud Vietnam, les opérations habituelles de pacification sont poursuivies.

La situation militaire s’aggrave brusquement durant le mois d’avril avec une offensive Vietminh contre le Laos. La ville de Xieng Khouang doit alors être évacué le 19 et une poussée ennemie se produit alors vers Luan Prabang mais qui est stoppée ensuite pour des raisons stratégiques. Les opérations militaires maintenant ont tendance à se déplacer vers le delta tonkinois où le dispositif français a été affaibli par l’envoi de troupes Vietminh au Laos. Ces troupes harcèlent les postes franco vietnamiens de ce delta et parviennent à en faire évacuer certains. Pour faire face à cette situation et afin de remplacer le général SALAN qui termine son temps d’affectation au commandement en chef, le Général NAVARRE prend la suite de ce dernier à compter du 8 mai.

La situation en juin-juillet se caractérise de part et d’autre par le rassemblement des forces et de la reconstitution des réserves. Cependant certaines opérations menées par nos troupes sont effectuées afin de couper le ravitaillement et la préparation des forces ennemies. L’une d’elles et à cet effet, voit le 17 juillet le largage de 2 bataillons de parachutistes sur Langson, occupée par l’ennemi, afin de détruire les dépôts d’armes et de nourriture. Une fois la mission remplie avec succès, ces 3 bataillons rejoignent Tien yen sans incidents.

Du fait de la difficulté à ravitailler par voie aérienne la garnison de Nasan, qui se trouve à 200 km d’Hanoï, il est décidé de l’évacuer fin juillet et le retrait se termine le 12 août. 

Le 14 octobre, une importante offensive nommée "Mouette" est déclenchée par notre commandement. Sortant massivement du delta pour la première fois depuis un an, nos forces traversent la rivière Day dans le secteur de Ninh-Binh, franchissent la ligne sud des défenses du delta et se dirigent vers les villes de Phu-Nho-Quan et de Than-Hoa, région dans laquelle sont retranchées 2 divisions Vietminh. Pendant que ces unités progressent sur leurs objectifs, d’importantes forces franco-vietnamiennes sont débarquées au sud de Phat-Diem, sous la protection de la Marine et du groupe d’aviation embarquée du porte-avions LA FAYETTE, afin de couper une éventuelle retraite ennemie. Refusant d’engager le combat, le Vietminh tente néanmoins d’enrayer la progression de nos colonnes en dressant une série d’embuscades. A la suite de violents combats, nos troupes appuyées par l’aviation et l’artillerie, infligent à l’adversaire de lourdes pertes qui sont estimées à 1200 tués et 200 prisonniers. Le 22 octobre, après avoir pris la ville de Phu-Nho-Quan  et détruit tous les dépôts d’armes, les forces franco-vietnamiennes entament leur repli vers le delta du Tonkin.

Cherchant à prévenir une nouvelle offensive du Vietminh au Laos, le commandement français décide d’occuper la cuvette de Dien Bien Phu. Un important parachutage s’effectue le 20 novembre (opération "Castor"), au terme de laquelle cette occupation est réalisée. Ce lieu est transformé progressivement en camp retranché destiné à fixer d’importantes forces ennemies dans le cas où celles-ci décideraient d’envahir à nouveau le Laos.

Pour nous résumer, nous dirons qu’en cette fin d’année 1953, la situation en Indochine ne s’est guère améliorée. Les initiatives du Général NAVARRE n’ont pas réussi à entamer les divisions Vietminh, mais de plus, par ses raids au Laos, l’ennemi oblige désormais le commandement français à mener deux guerres distinctes : l’une condamnée à tenir le delta tonkinois, l’autre à plusieurs centaines de km d’Hanoï destinée à résister à toute invasion du Laos.

En janvier 1954 la situation militaire se caractérise par la multiplication des fronts, le théâtre d’opérations le plus important restant le Tonkin. Le Nord Laos est menacé par une colonne Vietminh venue du pays Thaï. A cet effet le commandement français voulant fixer les forces adverses, étoffe la garnison de Dien Bien Phu en y emmenant un énorme  matériel. A la fin du mois, le camp retranché est pratiquement achevé.

Au Moyen Laos, l’offensive Vietminh déclenchée le 25 décembre est stoppée le 10 janvier, les troupes franco-vietnamiennes contrôlant à nouveau la vallée du Mékong à partir du 20. En Cochinchine, la guérilla s’intensifie. En Annam, le général NAVARRE lance le 21 janvier, l’opération "Atlante" avec pour objectif la pacification de la bande côtière aux mains du Vietminh depuis 1946. Disposant de l’appui de la Marine, les forces franco-vietnamiennes débarquent dans le port de Thuy Hoa, tandis qu’une colonne partie de Nha Trang se dirige vers ce port. Les troupes Vietminh se replient alors dans les montagnes impénétrables de la chaîne annamitique.

En février, les opérations se poursuivent au Tonkin, au Moyen Laos, sur la côte d’Annam et en Cochinchine et se caractérisent par l’aggravation de la situation dans le Haut Laos.

A partir du mois de mars, la guerre d’Indochine prend une place déterminante dans la politique française et internationale. La France arrive à un tournant où il est question de négociations à Genève en vue de rechercher une solution pacifique.

Pendant ce temps Dien Bien Phu commence à être encerclé par d’importantes forces Vietminh, et le commandement français pense que l’ennemi va bientôt attaquer le camp retranché et qu’il sera alors possible d’infliger un échec définitif aux troupes ennemies. Soucieux de remporter un succès important avant la conférence de Genève qui est en vue, le Vietminh déclenche le 13 mars une attaque massive sur Diên-Biên-Phu. Nous verrons plus bas le développement de celle-ci.

 

L’Aéronautique navale durant le 1er trimestre 1953

La flottille 8F a 4 de ses Privateer basés à Cat-bi au Tonkin mis pour emploi à la disposition du GATAC Nord. A partir du 23 janvier, deux de ses appareils sont détachés à Tourane au centre Vietnam et tous les autres sont regroupés à Tan Son Nhut avec néanmoins quelques détachements occasionnels de deux appareils à Haïphong. Durant ces 3 mois, elle a effectué 555 heures de vols opérationnels en 151 sorties.

La 8S de son côté, stationne toujours à Cat-Laï avec 6 Grumman Goose, dont un détaché occasionnellement à Soctang ou à Cantho. Les Goose ont effectués 308 sorties en 664 heures de vol. Ses 2 Morane 500 sont cantonnés à Haïphong et ont accompli 203 heures de vol en 195 sorties.  

Pour le groupe aérien embarqué, les opérations débutent le 18 janvier après le retour de petit carénage à Hong-Kong de l’ARROMANCHES. Depuis le bord ou de la base aérienne de Nha-Trang et jusqu’au 17 février,  les 2 flottilles travaillent au profit des forces terrestres des plateaux montagnards (FTPM). Le 21 février, les 2 formations sont mises à terre à Cat-Bi en attendant l’arrivée du porte-avions LA FAYETTE et l’ARROMANCHES quitte seul l’Indochine à destination de la métropole le 27 février.

 

Activité des flottilles 12 et 9F du 1er janvier au 21 février :

Formations

Heures de vol opérationnelles

Catapultages

Appontages

12F

478

240

223

  9F

269

91

88

 

Munitions tirées :

Formations

Bombes de 1000 Lbs

Bombes de 500 Lbs

Bombes de 260 frag.

Bombes de 250 frag.

Roquettes de 5 pouces

Coups de 20 mm

Coups de 12,7 mm

12F

8

70

11

52

16

22 300

 

  9F

 

131

120

147

40

 

184 250

 

Période du 1er avril au 1er octobre 1953

A compter de juin, la nouvelle classification des unités de l’Aéronautique navale entre en jeu : Pour ce qui nous intéresse, la 1F devient 11F et la 8F passe au rang de 28F.

L’activité de la 28F au cours de ce semestre est plus faible que celle du précédent à cause du ralentissement saisonnier de toutes les opérations et d' un amoindrissement des heures de vol causé par l’envoi de 2 Privateer en révision générale à Hong-Kong.

La répartition des aéronefs durant ce semestre s’échelonne comme suit :

- Haïphong : 2 appareils du 16 mai au 1er juin - 1 appareil du 1er au 9 juin - 1 appareil du 29 août au 3 septembre.

- Tourane : 1 appareil du 8 au 30 avril - 1 appareil du 15 mai au 6 août - 2 appareils à partir du 6 août.

- Nhatrang : 1 appareil du 25 août au 5 septembre.

- Hong-Kong : 2 appareils en révision générale, en permanence.

- Convoyage : 2 Privateer sont convoyés de San Diégo et arrivent à Saïgon le 23 juillet.

 

La 8S de son côté a une activité croissante après diverses modifications apportées aux Grumman Goose, ces derniers devenant alors pleinement opérationnels. L’escadrille a 6 appareils armés à Cat-Laï avec des détachements occasionnels à Soctrang, Cantho, Pnom-Penh et Nhatrang.

A noter que les Morane 500 de la 8S et basés à Cat-bi, passent à la 28F le 1er juin.

 

Activité de ces formations :

Formations

Nombre de sorties opérationnelles

Heures de vol opérationnelles

28F Privateer

218

841

28F Morane 500

174 (a/c du 1er juin)

268 (a/c du 1er juin)

8S Grumman Goose

738

1325

8S Morane 500

141 (jusqu’au 1er juin)

212 (jusqu’au 1er juin)

 

Chargé de récupérer les 9F et 12F laissées par l’ARROMANCHES, le porte-avions LA FAYETTE appareille de Toulon le 22 mars et arrive au large de Saïgon le 7 avril.  En baie d’Along au nord Vietnam il récupère les 2 flottilles le 12 du mois. Diverses considérations conduisent le haut commandement à reculer au 15 avril le début des opérations de débarquements prévues et le LA FAYETTE est dirigé vers le golfe de Vinh pour intervenir sur la route coloniale 7, route empruntée par une division Vietminh dans sa progression vers le Laos. C’est donc durant cette journée du 15 que les flottilles effectuent leur première mission de bombardement sur des objectifs situés aux environs de Quang Ngai. L’évolution rapide de la situation au Laos où la colonne d’évacuation de Sam Neua subit de fortes attaques de la part de 3 divisions Vietminh et l’apparition d’une menace  sur Nhatrang, contraint ce jour là le haut commandement à abandonner l’exécution des opérations de débarquement au centre Vietnam. Il est alors décidé de faire opérer le LA FAYETTE au profit du GATAC Nord dans la région de Xieng Khouang et dans la plaine des jarres, inaccessibles aux avions de l’Armée de l’Air. C’est ainsi que du 15 au 30 avril, les 2 flottilles fournissent à nos troupes, un appui définitif en dépit de conditions météorologiques épouvantables. Du 1er au 9 mai, l’évolution favorable de la situation militaire au Laos, permet d’interrompre les vols des flottilles. Les 10 et 11 mai sont consacrés à l’appui indirect de nos troupes progressant sur la plaine des jarres - Xieng Khouang, et où le 11 mai, 25 missions en 83 heures de vol sont assurées, épilogue d’une campagne d’un mois. Après la remise le 18 mai, de la croix de guerre des TOE aux 2 flottilles, le LA FAYETTE et son groupe aérien appareillent ce jour là vers la métropole et arrivent à Toulon le 10 juin.

 

Activités à partir du LA FAYETTE :

Formations

Heures de vol

Catapultages

Appontages

12F

620

182

205

  9F

300

  97

126

 

Période du 1er octobre 1953 au 1er avril 1954

Durant ce semestre, les Privateer de la 28F détachés durant diverses périodes à Haïphong, Tourane, ou Nhatrang effectuent 1580 heures de vols opérationnels dont 428 de nuit, durant  lesquels  ils lâchent 1005 tonnes de bombes au cours de 388 bombardements. L’activité des Grumman Goose de la 8S, s’étend à de nouvelles régions (Centre Vietnam, plateaux montagnards et Laos) au profit des forces terrestres, et leur armement se montre très efficace en appui aérien rapproché.

 

Formations

Nombre de sorties opérationnelles

Heures de vol opérationnelles

28F Privateer

500

1580 (dont 428 de nuit)

  8S Grumman Goose

942

1845 (dont 37 de nuit)

28F Morane 500

459

1O27

 

Arrivé le 29 septembre en Indochine, l’ARROMANCHES en compagnie des Flottilles 3F et 11F, voit durant ce semestre son activité partagée en 5 phases de trois ou quatre semaines chacunes.

- du 9 au 29 octobre : mis pour emploi à la disposition du GATAC Nord, au Tonkin (Pour les flottilles, 381 sorties en 964 heures de vol).

- du 30 octobre au 27 novembre : Opérations au Nord-Vietnam au profit du GATAC. Descente en Annam dans la région de Dong-Hoï avec mise pour emploi au GATAC Centre. Mise à terre des flottilles sur le terrain de Bach Maï (Hanoï) du 19 au 24 novembre afin d’assurer l’appui feu lors de l’opération d’installation "Castor" à Dien Bien Phu.

- du 28 novembre au 25 décembre : Opérations au Nord-Vietnam au profit du GATAC Nord.

- du 26 décembre 1953 au 11 février 1954 : Remplacement des câbles de la catapulte du P.A jusqu’au 18 janvier. Les 20 et 21 janvier opérations au profit du GATAC Sud au nord du cap Varella. Du 23 janvier au 11 février, reprise des opérations au Nord Vietnam au profit du GATAC Nord.

- du 12 février au 20 mars : L’ARROMANCHES indisponible met à terre à Cat-Bi puis à Vientiane 6 avions de chaque flottille au profit des opérations menées dans la région du Laos.

 

L’attaque Vietminh sur Dien Bien Phu s’étant déclenchée dans la nuit du 13 au 14 mars, tous les avions sont mis à terre (La 3F à Bach-Maï et la 11F à Cat-Bi).

Durant cette dernière période de 6 mois, les 2 flottilles réalisent 369 sorties en 988 heures de vol. 524 000 livres de bombes ont été lancées ainsi que 192 roquettes. 52 000 coups de 12,7 mm et 17 800 coups de 20 mm ont été tirés.

Voici quelques unes des pertes, avant la bataille de Dien Bien Phu :

- le 27 novembre 1953, le Hellcat piloté par le SM COUTHURES, par suite d’une panne technique, est obligé de se poser sur le ventre aux alentours de Dien Bien Phu. Le pilote est récupéré par les parachutistes français et pour ne pas que l’appareil tombe dans les mains ennemies, ces derniers le détruisent.

- le 5 décembre 1953, l’EV ROBIN à bord d’un Hellcat de la 11F est abattu par la DCA Vietminh, il est tué dans l’explosion de son appareil.

- le 8 février, le Hellcat piloté par le LV VILLEDIEU de TORCY, suite à une avarie, s’écrase dans les environs d’Hanoï. L’appareil est détruit mais le pilote est sauvé par nos troupes.

 

La bataille de Diên-Biên-Phu

Le Vietminh, soucieux de remporter un succès important avant la conférence de Genève, déclenche le 13 mars une attaque massive sur Diên-Biên-Phu.  Son artillerie bien camouflée, entre en action et fait pleuvoir un déluge d’obus. Le point d’appui "Béatrice" est particulièrement visé et tombe aux mains de l’adversaire ce jour là après de furieux combats au corps à corps. Le lendemain, un second point d’appui "Gabrielle" est enlevé et le 16, c’est "Anne-Marie" qui est abandonné par ses défenseurs thaïs.  Par les 2 brèches de l’est et du nord, le Vietminh pénètre dans la partie plate de la cuvette, et une DCA très active gêne les avions français déversant des tonnes de napalm sur les positions adverses. La piste d’aviation est endommagée et le pont aérien français fonctionne alors difficilement.

Des éléments avancés du Vietminh creusent des tranchées et arrivent vers le 20 mars à moins de 200 mètres de la forteresse. A la fin du mois de mars des infiltrations Vietminh se produisent chaque nuit. Une puissante contre attaque franco-vietnamienne réussit le 28 mars à dégager le terrain d’aviation et à détruire un nid de DCA. Le 30 mars, après une puissante préparation d’artillerie, le Vietminh lance un assaut massif à partir des tranchées creusées et pénètre dans plusieurs points d’appui. L’intervention de l’aviation permet de lancer une contre attaque et de reprendre certaines de ces positions.

Au mois d’avril la situation devient de plus en plus inquiétante. Des combats acharnés se poursuivent. De plus, l’artillerie du Vietminh très dispersée et bien enterrée tire sans relâche dans la cuvette et gêne les parachutages de matériel et de combattants. Aucun avion ne peut plus se poser sur le terrain d’atterrissage et il faut renoncer à évacuer les blessés. Une accalmie se produit à partir du 6 avril, le Vietminh dont les pertes ont été très lourdes, semblant attendre des renforts venant de l’Est du Tonkin.

Préparant une nouvelle attaque, le Vietminh procède ensuite à un violent pilonnage d’artillerie, creuse de nouvelles tranchées, et s’implante, le 14 avril, dans la partie nord de l’aérodrome. Le Colonel de CASTRIES, commandant du camp retranché, promu au grade de Général, procède au resserrement de son dispositif qu’il voudrait consolider, mais il n’en a plus le temps.  Des éléments Vietminh parviennent le 22avril au centre du terrain d’aviation et à moins de 600 mètres du poste de commandement. Le point d’appui Centre-Ouest est submergé et notre dispositif central est réduit à un cercle de 1 300 mètres de diamètre, dans lequel se trouvent entassés de très nombreux combattants et blessés et qui est dominé par l’artillerie ennemie.

Une offensive très violente est déclenchée le 1er mai par le Vietminh. Plusieurs points d’appui sont enlevés et le camp retranché se trouve réduit d’un quart de sa superficie. Le 3 mai, un autre point d’appui tombe après un combat acharné au corps à corps, l’aviation ne pouvant intervenir en raison du mauvais temps et de l’enchevêtrement des combattants. Le 6 mai, se produit l’assaut le plus violent et le plus massif de tout le siège. Des combats acharnés au corps à corps se livrent dans les tranchées transformées en bourbiers par les pluies. Les stocks français de munitions s’épuisent et le 7 mai après midi, les défenseurs sont submergés par les vagues d’assaut du Vietminh.

Sur le plan militaire, les conséquences de Diên-Biên-Phu sont graves : le commandement français a perdu 12 000 hommes d’élite (4000 tués et blessés, et 8 000 prisonniers). Si le Vietminh a perdu l’équivalent de 2 divisions dont 8 000 tués dans l’assaut du camp retranché, il n’en reste pas moins  très fort dans le delta et il semble que l’équilibre des forces se soit nettement déplacé en faveur de l’adversaire grâce à l’aide chinoise et soviétique.

Dans ces conditions, non seulement il n’est plus question de relève des troupes françaises, et le Général NAVARRE déclare que si la conférence de Genève n’aboutit pas, il n’y aura d’autre solution que l’internationalisation du conflit.

Au point de vue de l’Aéronautique navale basée à terre, l’activité de la 28F s’accroît de façon considérable au profit exclusif des défenseurs de Dien Bien Phu. Décollant de Cat-Bi, les équipages exécutent les missions de bombardement par n’importe quel temps et jusqu’à la limite de leur résistance physique (130 heures de vol mensuelles pour certains équipages). 1098 heures de vol ont été effectuées en 309 sorties durant les 57 jours de la bataille. Deux Privateer ont été abattus : l’un le 12 avril 1954 au dessus de Dien Bien Phu par la DCA (mort du Cdt de bord EV MANFANOWSKI et de l’équipage), l’autre le 8 mai entre Sonla et Nasan toujours par la DCA (Mort de l’EV1 MONGUILLON et de l’équipage à l’exception de 2 Seconds Maîtres faits prisonniers par le Vietminh et libérés en septembre).

La flottille 14F, affectée en renfort et dont le personnel a été aérotransporté d’Afrique, arrive en Indochine le 17 avril et est engagée dès le 24 à partir de Bach-Maï, dans des conditions météorologiques désastreuses, avec des avions Corsair AU1 à bout de souffle livrés à Tourane, le 18 avril, par l’US Navy. Les pilotes de cette flottille ont fait montre de leur audace et de leur mordant dès les premières missions. A partir du 30 avril elle intervient dans la cuvette où elle prend la suite de la 11F pour la protection des parachutages et l’attaque des points d’appui tombés aux mains du Vietminh.

L’aviation embarquée du PA ARROMANCHES entre dans la fournaise de Diên-Biên-Phu, dès le 13 mars. Ce jour là 4 Hellcat venant d’intervenir malgré une DCA renforcée, rentrent sur Cat-Bi, et l’un d’eux piloté par le LV DOE de MAINDREVILLE, percute le sommet de l’île des merveilles et le pilote est porté disparu.

La mission principale de l’aviation embarquée (3F Helldiver et 11F Hellcat) est de fournir à Diên-Biên-Phu  l’appui feu maximum contre les concentrations Vietminh, l’artillerie et la DCA adverse et d’assurer la protection des avions qui parachutent des vivres et du matériel.

Pertes des 2 flottilles durant cette période :

- le 15 mars : abattu par la DCA, le LV LESPINAS de la 11F est porté disparu à bord de son Hellcat à 6 km de Dien Bien Phu.

- le 31 mars : Mort du LV ANDRIEUX commandant le la 3F, abattu par la DCA à 2 km du point d’appui Gabrielle.

- le 9 avril : Décès de l’EV LAUGIER de la 3F abattu par la DCA à bord de son Helldiver.

- le 23 avril : Le LV KLOTZ de la 11F est atteint par la DCA à bord de son Hellcat. Sautant en parachute, il est recueilli au sol par les légionnaires de la 13° DBLE. Fait prisonnier par le Vietminh lors de la chute du camp retranché, il est libéré en septembre.

- le 26 avril : Le Hellcat du SM ROBERT de la 11F est touché par la DCA. Ce dernier saute également en parachute mais tombe dans les lignes ennemies. Fait prisonnier, il meurt d’épuisement ensuite sur la route qui

le mène en camp d’internement.

 

Monguillon et Manfanowski Lespinas Laugier

 

   

Andrieux Klotz Doe de Maindreville

 

Fac-similé de la lettre d'un commandant de flottille

envoyée à un de ses amis pendant cette période.

 

Un pilote de l’armée de l’air écrit à l’un de ses camarades : "Nous sommes protégés pendant nos parachutages par la chasse et les B.26, mais tous les pilotes de Packets vous diront combien ils se sentent en sécurité et gonflés quand cette protection est assurée par les gens de l’Arromanches. On n’est plus seul au fond de cette cuvette quand les Hellcat s’interposent comme cibles entre la DCA et nous. J’ai aujourd’hui 129 missions au dessus de Diên-Biên-Phu : on peut accorder du crédit à mon témoignage ».

Jules Roy - La bataille de Dien Bien Phu

 

Période d’avril à août 1954

Pendant que la bataille fait rage à Diên-Biên-Phu, la guerre se poursuit également dans le delta tonkinois. Le Vietminh lance de violentes attaques début juin dans le sud et le sud-est du delta et réussit à enlever plusieurs postes. Le commandement français doit alors lancer autour de Hanoï des opérations d’aération contre les fortes positions vietminh  situées à une douzaine de km de la ville.

La situation s’aggrave également au Centre Annam, où lors de l’opération Atlante menée par nos troupes, le Vietminh détruit plusieurs unités vietnamiennes.

Pendant que Pierre Mendès-France, multiplie ses efforts à Genève, pour hâter le règlement pacifique du conflit, la situation militaire en Indochine continue à s’aggraver. Le Vietminh lance le 3 juillet une violente attaque contre Phuly et la ville doit alors être évacuée.  L’adversaire accélère ses préparatifs, multiplie les coups de main contre la route et la voie ferrée Hanoï - Haïphong ainsi que sur les défenses situées au nord-ouest de Hanoï. L’inquiétude règne à Hanoï où les préparatifs d’évacuation de matériel et de civils sont en cours et où affluent des milliers de réfugiés.

La signature de l’armistice est ouverte le 20 juillet à Genève. Le cessez le feu intervient le 27 juillet au Tonkin, le 1er août au Centre Annam et les 6 et 7 août au Cambodge. Les combats cessent le 11 août dans le sud du pays.

La libération par le Vietminh des blessés de Dien Bien Phu intervient à partir du 14 juillet, et est suivie peu de temps après par celle des autres prisonniers. Parmi ces derniers se trouvent de nombreux nord-Africains, qui après avoir été démobilisés, vont une fois après être rentrés en AFN, devenir le ferment de la prochaine guerre qui va alors se déclencher en Algérie.

Au point de vue de l’aviation embarquée durant cette période, notons que l’ARROMANCHES qui effectue sa 4ème campagne en ces lieux, quitte définitivement les eaux indochinoises le 20 août pour arriver à Toulon le 19 septembre. Entre temps le P.A BOIS BELLEAU venant de métropole, atteint  le Cap Saint Jacques le 30 avril  avec des appareils de rechange destinés à nos flottilles et à l’Armée de l’Air (Hellcat, Helldiver, HUP2, Morane 500 et Ouragan). De même, le P.A LA FAYETTE, arrive en Indochine le 1er mai avec sur bord la flottille 12F chargée de relever la 14F et ses Corsair AU1.

Pour l’ARROMANCHES voici, dans les grandes lignes, son activité à compter du 1er mai :

- 1er et 2 mai : rembarquement et réadaptation à l’appontage de la 11F.

- du 3 au 6 mai : absorption des Hellcat amenés par le BOIS BELLEAU, du temps que les Helldiver de la 3F passent sur ce dernier. (La 3F est mise à terre à Bach Maï du 9 au 23 mai, où elle continue ses missions pendant que le BOIS BELLEAU est à Hong-Kong. Elle rembarque sur l’ARROMANCHES le 24 mai d’où elle opère jusqu’au 30 mai, date de sa mise en repos).

- la 11F mise au repos depuis le 8 mai rembarque le 2 juin.

- du 8 au 23 juin : opérations au Nord-Vietnam avec la 11F, au profit du GATAC.

- 24 juin : opérations sur les dépôts de la région de Vinh au profit du GATAC Centre.

- du 25 au 29 juin : Opération "Eglantine" au profit du GATAC Sud.

- de son côté, la 3F reprend ses missions à compter du 29 mai à partir de Cat-Bi au profit du GATAC Nord.

- diverses opérations sont effectuées du 1er au 9 juillet (au Nord et au Centre du pays), puis les flottilles sont transférées sur le BOIS BELLEAU.

 

Activité du BOIS BELLEAU :

- opérations au Nord et au Centre Vietnam dans la seconde quinzaine de juillet, avec les 3F et 11F, après relève de l’ARROMANCHES.

- 4 transports de réfugiés Vietnamiens (6000 personnes) de la baie d’Along vers Saïgon entre le 15 août et le 15 septembre.

- à partir du 1er octobre, la 14F stationnée à Tourane passe de l’Aéro Indochine aux ordres du groupe des porte-avions et est affectée sur BOIS BELLEAU.

 

Activité du LA FAYETTE :

Durant son court séjour lors de sa 2ème campagne en Indochine, le porte-avions couvre l’évacuation de la tête de pont de Haïphong entre le 8 et le 15 mai.

La flottille 12F, à Tourane depuis le 5 mai rembarque le 8 et est de retour à Tourane le 16. Elle sera ensuite transférée sur le BOIS BELLEAU.

Le LA FAYETTE quitte Saïgon le 11 juin en direction de la métropole.

 

Au point de vue de l’aviation basée à terre, l’activité de la 28F se transforme à partir du 11 août en missions de surveillance maritime (passage de l’état de guerre à celui de paix armée).

Toutefois après la bataille de Dien Bien Phu, les Privateer participent jusqu’à la date du cessez le feu à des opérations de bombardement  dans le delta. Ils  y effectuent 254 heures de vols opérationnels en 103 missions, durant lesquelles ils larguent 237 tonnes de bombes.

La flottille 24F avec du personnel aérotransporté de France, arrive à partir du 15 mai, prend possession de  9 Privateer livrés par l’US Navy, et ses équipages sont transformés sous la houlette de la 28F aux  missions de bombardements. A partir du 1er juillet, 4 équipages déclarés aptes à toutes missions participent aux opérations à partir de Tourane : 52 de ces missions de bombardement sont réalisées au profit du GATAC Centre.

Au total, les Privateer de la 24F effectuent 351 heures de vols  opérationnels dont 33 de nuit. Le total de bombes larguées s’élève à 110 tonnes.  Hormis les bombardements, 21 missions de reconnaissance, 17 de surveillance maritime, 4 de S.A.R et 2 de protection du Pasteur, sont effectuées par ses soins. En septembre, la 24F armée en Privateer est dissoute, une partie de ses équipages est reversée à la 28F et le restant du personnel rejoint ensuite la métropole.

 

Période de septembre 1954 à mai 1956

Les combats ayant cessé en Indochine à la mi août 1954, l’activité des formations aéronavales en Indochine ne nous concerne plus guère à partir de cette époque. Nous nous contenterons de signaler uniquement les points suivants :

- les flottilles 3F et 11F sont rapatriées en octobre 1954 par le DIXMUDE.

- le P.A BOIS BELLEAU reste dans ces eaux jusqu’au 14 novembre 1955, arrive à Bizerte le 13 décembre où ce jour là, il débarque la flottille 12F et il atteint Toulon le 16.

- après avoir effectué une troisième campagne en Extrême Orient  de février à mai  1956 en compagnie de la flottille 15F, le P.A LA FAYETTE fait ses derniers adieux à l’Indochine le 3 mai et regagne Toulon un mois plus tard.

- la flottille 28F et ses Privateer, quitte Tan Son Nhut en mars 1956 et prend ses nouveaux quartiers à Karouba en Tunisie.

- l’escadrille 8S en compagnie de ses Grumman Goose, émigre en Algérie et s’installe à Alger-Maison-Blanche, fin mai début juin 1956.  Elle a été transportée vers l’Afrique du Nord par le P.A LA FAYETTE.

 

La présence de l’Aéronautique navale française en Indochine se termine donc ainsi.

Mais d’autres aventures guerrières attendent celle-ci en Afrique du Nord, et nous parlerons à nouveau d’elle et des opérations effectuées par ses formations, dans le chapitre réservé à la guerre d’Algérie.